Sud de la France 2020.

 

 

Date : du 7 septembre 2020 au 13 septembre 2020.

Zones prospectées : Bouches-du-Rhône et Var.

 

Légende : les noms en bleu sont les espèces observées durant le séjour.

 

Espèces recherchées en priorité : Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), couleuvre à échelon (Zamenis scalaris), lézard ocellé (Timon lepidus), psammodrome d’Edwards (Psammodromus edwarsianus), scolopendre méditerranéenne (Scolopendra cingulata), veuve noire méditerranéenne (Latrodectus tredecimguttatus).

 

Espèces recherchées secondairement : Argiope lobée (Argiope lobata), tortue d’Hermann (Testudo hermanni), scorpion languedocien (Buthus occitanus).

 

Cette fois tout est prêt, le matériel est dans la voiture, les zones à prospecter enregistrées en latitude/longitude dans le GPS, je suis prêt à aller récupérer Aymeric, mon acolyte naturaliste de Poitiers, et rouler pour 7 ou 8 heures jusque dans les Bouches-du-Rhônes. Je veux réaliser un rêve : attraper et photographier le plus grand serpent d’Europe, le roi de Provence : la couleuvre de Montpellier, ainsi que sa comparse également endémique du sud de la France : la couleuvre à échelon. D’autres reptiles sudistes m’intéressent, comme le fabuleux lézard ocellé (qui remonte jusqu’en Charente-Maritime d’ailleurs), le psammodrome d’Edwards, un petit lézard pygmée et la tortue d’Hermann. Le sud abrite aussi une foule d’invertébrés fantastiques que je brûlai d’envie d’attraper, comme le scorpion languedocien, et la terreur de la garrigue : la terrifiante scolopendre méditerranéenne.

Argiope lobée (Argiope lobata), une araignée du sud a la forme étonnante. Cliquer pour agrandir.
Argiope lobée (Argiope lobata), une araignée du sud a la forme étonnante. Cliquer pour agrandir.

Premier jour, nous arrivons dans notre petite chambre louée pour le séjour, à Istres. Nous n’avons pas encore posé nos valises que nous attrapons déjà une Tarente de Maurétanie, un petit gecko très commun dans le pourtour méditerranéen, et un petit scorpion noir à pattes jaunes sous une pierre. J’avais pour ma part déjà observé maintes fois ces deux espèces mais c’est toujours un plaisir de les revoir : nous sommes bien dans le sud. Le temps de poser les affaires nous sommes déjà partis sur le terrain. Nous longeons une voie ferrée, et nous trouvons notre première victoire : l’argiope lobée. Une splendide araignée, de bonne taille, cousine de notre très commune argiope frelon. Nous atteignons ensuite une vieille ferme en ruine au bord d’une route, au milieu d’un massif sec et désertique. La zone est censée abriter le lézard ocellé, alors allons voir ça ! Arrivés sur les lieux, nous commençons à soulever chaque pierre, chaque tôle et autres objet plat pouvant abriter nos bestioles préférées. Le lézard ocellé a une très bonne vue et il faut être discret. Nous ne trouverons aucun reptile dans cette zone ce jour là. Je soulève une énième pierre. Aymeric s’exclame.

- Mec mec regarde regarde !

 

Je ne vois rien. Quoique…

 

Une masse rougeoyante serpentiforme et grouillante disparaît en un éclair. Mon œil n’est pas habitué à voir cet animal dont il me faudra une seconde pour réaliser que c’était bien lui : la scolopendre méditerranéenne. J’ai toujours voulu tester la morsure de ce mille-pattes venimeux, le plus grand de France et probablement d’Europe. Un animal magnifique, un véritable alien, l’extraterrestre de Men in Black 1 en personne, modèle réduit. La bête peut atteindre 15cm, d’aucun parlent même de 18cm... Je redoute la morsure, je ne veux pas me faire mordre si je ne contrôle pas la situation. Je l’attrape à l’arrière du corps. Ni une ni deux, le myriapode se retourne sur ma main pour m’injecter son douloureux venin. Je le lâche par réflexe et le rattrape illico pour le relâcher immédiatement dans une zone dégagée où il ne pourra pas se faufiler dans une cachette indécelable. Les ancêtres des scolopendres sont les arthropleura, de gigantesques arthropodes qui vivaient il y a 350 millions d’années, mesurant pour certains jusqu’à 2,60m de longueur. On les a supposé herbivores, s’attaquant à l’écorce des arbres, et la première paire de patte aurait évolué en forcipules, les actuels crochets venimeux de notre scolopendre du midi. Trop tard, l’impressionnant animal ayant retenté de me mordre la main, s’est enfuit sous un mur épais. Misère ! Mon cœur bas la chamade, mon premier contact avec cet étonnant invertébré qui m’a tant fait rêver depuis des années. C’est mon tout premier voyage naturaliste. Le peu de fois où je pu aller dans le sud, ce fut toujours pour accompagner mes parents et autres motifs familiaux, qui me laissaient très peu de temps pour chercher les bestioles. Cette semaine, c’est une autre histoire, ce sont mes vacances, octroyées par mon chef d’atelier à l’usine, j’ai travaillé pour les avoir et je ne vais pas me laisser abattre par une première défaite. L’heure de manger approchant, nous rentrons. Sur le trajet, puis dans mon lit, l’image de cet arthropode menaçant fuyant sous ce satané mur me hante : vais-je en retrouver une ?

La terreur de la garrigue : la scolopendre méditerranéenne (Scolopendra cingulata).
La terreur de la garrigue : la scolopendre méditerranéenne (Scolopendra cingulata).

Deuxième jour. 8H, nous décidons de repartir exactement au même endroit, pour retrouver la scolopendre. Arrivés sur les lieux, je fonce soulever de nouveau la même pierre : nada. Je rentre dans la longère désaffectée, et soulève une petite pierre. Une énorme silhouette brillante et menaçante dormait là, pile devant moi. Cette fois, je n’ai pas oublié mes forceps : de longues pinces en inox conçues normalement pour nourrir les caméléons. Je les ai achetées spécialement pour attraper les invertébrés dangereux, elles me permettent de sécuriser l’animal en gardant les crochets et autres aiguillons loin de ma peau. Je la tiens ! L’invertébré se débat et mord férocement l’inox, provoquant un bruit à faire frémir Bear Grylls. Je la mets dans ma boîte loupe, un super support éducatif permettant de montrer aux enfants toutes les bestioles un peu trop petites pour être observées. Aymeric et moi prenons deux minutes pour admirer le géant dont la fureur est déjà atténuée : la belle se nettoie les antennes. Je n’ai jamais manipulé de myriapode venimeux. Enfin pas tout à fait…. Quelques semaines auparavant, j’ai testé la morsure d’une minuscule scolopendre du genre Cryptops, celle-ci m’a laissé un bouton de bonne taille et une brûlure surprenante. Si une si petite dose de venin dans un si petit animal a pu me laisser une brûlure… Qu’allait me faire ce monstre ? Je la fais glisser de sa boîte vers le creux de ma main. Elle avance sur ma peau, évolue nerveusement sur mes avant-bras à la recherche d’un abri : cet animal n’est pas en paix tant qu’il ne sens pas un toit au dessus de lui. Je vois ses crochets à venin frôler mon épiderme en permanence, mais je suis en extase : c’est un moment de passion qui n’a pas de prix. Soudain, la bête échappe à mon contrôle : alors qu’elle remontait mon avant-bras gauche, elle a esquivé ma main droite présentée pour l’intercepter, et cours se loger dans mon dos… Je n’en crois pas mes yeux, comment ai-je pu laisser la situation dégénérer comme ça ? Je ne la sens pas, ce qui indique qu’elle n’est pas directement sur ma peau, donc pas dans mon t-shirt, c’est déjà ça. La moindre pression sur cette bombe atomique suffit à la faire exploser de colère et provoquer une terrible morsure. Sueur froide interminable. Je m’accroupis très lentement, pour augmenter les chances que l’animal distingue la proximité de la terre et s’y dirige sans faire d’histoire. Aymeric me sort de ma pétrification :

La douloureuse morsure de la scolopendre méditerranéenne. Cliquer pour agrandir.
La douloureuse morsure de la scolopendre méditerranéenne. Cliquer pour agrandir.

- Je la vois elle est sur ton short !

 

A ce moment là, une milliseconde de panique m’envahit : a t-il dit "sur ton short", ou "dans ton short" ? L’animal me rassure en me dévoilant sa petite tête de martien venimeux sur ma cuisse : je la récupère et la garde en sécurité dans mes mains. Cet être vivant est merveilleux, ses dizaines de pattes jaunes vif se croisent harmonieusement à chaque pas sans jamais s’enchevêtrer, laissant une sensation de picotement agréable sur la peau. Maintenant, il faut la photographier. Mais comment diable calmer cet hyperactif ? La scolopendre ne fait que bouger, fuir en permanence, tout ce qui la calme est une pierre sous laquelle se cacher. Je tente plusieurs techniques : je déchire un morceau de carton qui traînait là et la laisse s’y cacher. Échec : elle s’enfuit dès que je le soulève. Aymeric trouve un tuyau en PVC large et haut d’une vingtaine de centimètres : deuxième échec, l’animal tourne en rond à l’intérieur, ne sentant pas la sécurité d’une pierre sur son dos. Je désespère : mon objectif est là, devant moi, mais il est impossible de le stabiliser pour lui tirer le portrait. Troisième option : je la guide sous le couvercle transparent de ma boîte loupe. L’objet mesure pile poil l’épaisseur de l’animal, il s’y sens comme chez lui ! La bête se lisse les antennes, apaisée. Je soulève très lentement le couvercle, et la scolopendre est là, calme et immobile, n’attendant que mon objectif macro. Parfait ! Les photographies faites, passons aux choses sérieuses, je dois absolument savoir les effets de sa morsure. Ses énormes crochets rouges sont à faire frémir. La brûlure doit être insoutenable. Chaque crochet est plus gros que n’importe quel dard de frelon. Je me prépare mentalement. La douleur s’accepte. Il faut en un temps record l’admettre comme un état normal de mes sens. Je guide la scolopendre sur mon avant-bras droit, et la plaque contre ma peau. Le myriapode est furieux, et me mord sévèrement la peau tendre du poignet. Je transpire, et la chaleur torride du sud n’y est pour rien. Je vois ses crochets me pincer, puis finalement, l’un d'eux me perce l’épiderme. En 15 secondes, une sensation de brûlure intense se fait sentir. Elle m’a mal mordu, il me faut les deux crochets ! Je la refais mordre plus haut, juste avant le coude. Cette fois, les deux crochets pénètrent sans difficulté ma pauvre peau martyrisée une fois de plus par un animal que je laisse se défouler sur elle à loisir. La bête possède un leurre à l’opposé de sa tête, de fausses antennes rouges pour tromper l’ennemi, qui s’attaquera à sa " queue " plutôt qu’à sa tête. Elle fait semblant de me mordre avec son leurre, inoffensif, tout en m’injectant son terrible venin à l’autre bout de son corps. La douleur est intense, je relâche la scolopendre, que nous avons bien assez embêtée comme ça, et attend les symptômes. 5 minutes passent. La brûlure s’intensifie, bien que supportable, elle m’impressionne par sa capacité à s’étendre bien au-delà de la zone mordue : j’ai mal jusque dans l’aisselle. Un érythème commence à se former, avec un point bleuâtre en son centre. Quelques heures après, en début de soirée, mon poignet a enflé, je ne distingue plus mes veines. La nuit tombe, je ne peux plus bouger la main, mon avant-bras est presque totalement paralysé, je ne peux même pas serrer le poing.

Deuxième spécimen, plus gros et plus joliment coloré. Cliquer pour agrandir.
Deuxième spécimen, plus gros et plus joliment coloré. Cliquer pour agrandir.

Nous avons été invité à un fabuleux repas dans la famille de mon comparse, à Cornillon-Confoux, dans le 13. On nous indique des scorpions et des reptiles au dessus de la maison. Pas de temps à perdre ! Je soulève une pierre, et déniche une nouvelle scolopendre. Plus grosse, et plus belle : sur ses plaques dorsales, un mariage d’ébène et de flammes dorées enchantent le regard. Je commence à maîtriser l’art de photographier cet animal, le coup du couvercle marche à chaque fois. Dans la colline boisée, nous dénichons quelques scorpions noirs à pattes jaunes, un espèce très commune et inoffensive. Pour démarrer ma voiture, j’utilise mon bras gauche, tourner les clefs avec ma main droite est un supplice auquel j’ai mis fin immédiatement. La nuit passe. Au réveil, j’ai désenflé et mon avant-bras retrouve une partie de sa mobilité. Quelle expérience ! Un animal fantastique.

La tarente de Maurétanie (Tarentola mauritanica), un gecko très commun dans le sud-est de la France. Cliquer pour agrandir.
La tarente de Maurétanie (Tarentola mauritanica), un gecko très commun dans le sud-est de la France. Cliquer pour agrandir.

Troisième jour. Un contact m’indique une commune où je devrais trouver mon bonheur : le célèbre scorpion languedocien. Ce petit arthropode appartient à la famille des Buthidés, famille qui compte les scorpions les plus dangereux de la planète. Heureusement, le nôtre n'est pas aussi dangereux. Il est l’unique scorpion jaune de France. Sa piqûre est considérée potentiellement dangereuse par le centre anti-poison de Marseille pour les enfants en bas-âge et les personnes âgées. La dangerosité de son venin a d’ailleurs été revue à la hausse par des scientifiques très récemment. J’avais pour projet de tester sa piqûre, mais sur le trajet, Aymeric me fait remarquer en lisant un article qu’elle peut conduire à un œdème pulmonaire voire au coma. Je suis refroidit. Inutile de tenter le Diable, il ne faut pas être inconscient. Arrivés dans cette magnifique garrigue, à Lançon-Provence, nous soulevons chaque pierres. Nous observons quelques scolopendres juvéniles : elles sont gris métallisé avec la queue et la tête orange fluo. Magnifiques ! Elles ont déjà le caractère bien trempé de leurs parents. Je finis par soulever la bonne pierre.

Le scorpion languedocien (Buthus occitanus occitanus). Cliquer pour agrandir.
Le scorpion languedocien (Buthus occitanus occitanus). Cliquer pour agrandir.

- Aymeric j’en ai un !

 

Le splendide scorpion m’offre toutes ses postures, l’appareil photo chauffe. Je suis ravis. Les forceps sont l’outil idéal pour le sortir de son trou. Je prends plaisir à laisser l’animal marcher sur mes mains, sur mon bras, il n’a aucune raison de piquer s’il ne se sens pas menacé. Je dois tout de même rester sur mes gardes, tout ce qu’il prendra comme une offense se verra recevoir un coup d’aiguillon et une bonne dose de venin en guise de protestation. J’avais déjà observé cette espèce à côté d’Avignon en 2015, mais je ne l’avais jamais revue depuis. Nous n’en trouverons pas d’autres ce jour là. Nous évoluons à travers les prairies sèches de ce magnifique endroit. Une nouvelle argiope lobée ! Encore plus grosse que la précédente. Elle est en plein soleil et je n’ai pas d’angle pour lui apposer mon ombre, difficile de la photographier. Plus loin, un petit ninja de moins de 10cm me coupe devant à la vitesse de l’éclair, pour aller se réfugier dans une touffe d’herbe. C’est un lézard, pour sûr. Je parviens à localiser le petit fuyard : un psammodrome ! Un psammodrome d’Edwards pour être exact. Ce magnifique petit lézard est introuvable en dehors du pourtour méditerranéen pour ce qui est de son aire de répartition française. Splendide ! Je parviens à le photographier dans sa cachette, non sans difficulté. Ses écailles carénées et ses tâches blanches bordées de noir sont très belles. Nouvel objectif atteint.

Le bolide des prairies sèches du sud : le psammodrome d'Edwards (Psammodromus edwarsianus). Cliquer pour agrandir.
Le bolide des prairies sèches du sud : le psammodrome d'Edwards (Psammodromus edwarsianus). Cliquer pour agrandir.

Quatrième jour, début de la catastrophe. Une pluie torrentielle a inondé la région, refroidissant tous les biotopes a reptiles, les serpents seront plus que jamais absent à cause de cette satanée météo. Résignés, nous retournons dans la garrigue de Lançon-Provence dans l’espoir de voir d’autres scorpions languedociens. Je déniche un juvénile, pas plus de 3cm, il est minuscule ! A cette taille, il n’inflige qu’une quantité infime de venin, je ne risque pas grand-chose à tester sa piqûre. J’enfonce son aiguillon dans mon poignet gauche : sensation moyennement forte de brûlure qui durera une quinzaine de minutes. Tout de même ! Pour un si petit scorpion, je n’ose pas imaginer la piqûre de l’adulte. Nous en trouvons d’ailleurs un, il est énorme. Après l’avoir photographié, je profite de ce moment privilégié pour laisser l’animal se balader à loisir dans mes main. L’animal tombe de ma main, je le rattrape de justesse. Quand soudain, je sens une brûlure intense au niveau du ventre. Non ce n’est pas possible… Il m’a piqué ! En tombant, le pauvre scorpion s’est désespérément rattrapé à mon ventre avec son aiguillon, il m’a envenimé. A qui d’autre dans l’univers ce genre de stupidité arrive ? J’attends les symptômes sans paniquer. A la moindre difficulté respiratoire, au moindre trouble de la vision, nous irons aux urgences. De toute façon il pleut, la journée est fichue. Le scorpion ne m’ayant qu’éraflé, je n’aurai pas d’autres symptômes qu’une bonne brûlure. Nous trouverons trois autres scolopendres et un autre magnifique scorpion.

Scorpion noir à pattes jaunes (Euscorpius fflavicaudis), femelle avec ses pullus (petits). Cliquer pour agrandir.
Scorpion noir à pattes jaunes (Euscorpius fflavicaudis), femelle avec ses pullus (petits). Cliquer pour agrandir.

Cinquième jour. Nous retournons à la vieille ferme abandonnée dans l’espoir d’y voir serpents et gros lézards ocellés, la météo étant plus clémente. Après avoir attrapé et photographié deux ou trois scolopendres, nous observons un autre psammodrome d’Edwards, le petit ninja s’est réfugié sous une souche. Nous l’approchons avec une extrême discrétion. Je parviens à me coller presque sur son nez pour le photographier. Super ! De bien meilleures photographies que celui de la veille. Nous changeons de zone pour aller dans une sorte de prairie broussailleuse non loin de notre position. Un coin censé abriter des couleuvres à échelon et des lézards ocellés. Pas de chance, rien du tout ! Sous une vieille tôle rouillée, nous aurons tout de même la joie d’observer pour la première fois une mante religieuse en train de pondre. Sur le chemin du retour, j’attrape une grosse scolopendre qui fera mon bonheur. Ce spécimen est d’un calme ! Rien à voir avec les autres que j’ai attrapé jusqu’ici, la bête se laisse prendre, se déplace calmement… Je commence à m’attacher, ce n’est pas bon, je lui vole un bisous sur le dos et la relâche.

La Plaine des Maures : le paradis des herpétologues. Cliquer pour agrandir.
La Plaine des Maures : le paradis des herpétologues. Cliquer pour agrandir.

Sixième jour. Départ pour la Plaine des Maures, dans le Var. Cet endroit est le paradis des herpétologues : couleuvres de Montpellier, couleuvres à échelon, lézards ocellés, tortues d’Hermann… La chaleur est étouffante. Le paysage est surréaliste : des mares temporaires sur des dalles de grès rouge, enveloppé d’une végétation sèche et clairsemée. Des parfums singuliers m’enivrent à chaque instant, nous sommes dans un paradis. Nous dénichons quelques scorpions languedociens. Pendant que j’exulte en manipulant un beau mâle, ce petit filou prend mon petit doigt que je lui présente comme support pour une offense. Aïe ! Grosse piqûre sur le bout du doigt, la brûlure est insoutenable ! Je prends tout de même le temps de le photographier. Ma main gauche me brûle d’une force… Je n’aurai encore une fois pas d’autres symptômes. Merci mon ange gardien. Il faut sûrement avoir très peu de chance pour subir une grave envenimation par cette espèce. Sous une pierre, un beau crapaud calamite nous fait la surprise de sa présence. Eux qui sont toujours tout sales lorsqu’ils sont sous les pierres, celui-ci était propre comme une voiture neuve, nous dévoilant sa belle livrée verte et rouge. Ce crapaud a des yeux d’un vert insondable, deux pierres précieuses garnies d’une pupille noire horizontale donnant un air de vieux sage à l’amphibien. Magnifique. Je n’ai que rarement observé cette espèce. Nous relâchons rapidement le crapaud pour ne pas l’exposer à un choc thermique. Je le pose devant sa pierre et il repars aussitôt dessous.

Le séjour aux urgences s'est joué à 1 centimètre... Cliquer pour agrandir.
Le séjour aux urgences s'est joué à 1 centimètre... Cliquer pour agrandir.

Nous nous avançons toujours plus profondément dans la plaine. Après quelques autres scorpions, je me cogne dans un fil dur et épais. Une toile d’araignée ! Ce n’est pas possible, elle fait plus de deux mètres de large avec le fil porteur… Une argiope lobée, elle est énorme ! Cette araignée me console un peu, nous sommes la veille de partir et nous n’avons trouvé aucun serpent. Aymeric m’ayant rejoint pour voir l’araignée et sa toile géante, nous progressons dans la broussaille. Soudain, j’aperçois une silhouette brillante serpenter sur le sol brûlant. Un serpent ! Une jeune couleuvre de Montpellier ! Je lui saute dessus, mais le plus rapide serpent d’Europe a eu raison de moi : je ne garderai en souvenir que le bout de sa queue me narguant de son trou où nous ne la reverrons jamais. C’est pas vrai ! Je suis anéanti, le seul serpent du voyage m’a échappé. Son souvenirs va me hanter longtemps, au moins jusqu’au mois de Mai 2021, quand je reviendrai la retrouver. Nous décidons de quitter la plaine pour retourner dans les Bouches-du-Rhône, à Martigues, où un coin à serpent jusque là infructueux pourrait se révéler miraculeux, qui sait. Dans une ruine, je soulève des vieilles palettes de bois. Soudain, je sens quelque chose de bizarre dans ma chaussure. J’ai marché sur un clou rouillé. Mon Dieu. J’attends la douleur insoutenable, mais il n’y a rien, le clou est passé juste entre mes orteils. Ouf ! En sortant de la ruine, je sens encore quelque chose me gêner l’autre pied. Un clou rouillé de 10,5cm a transpercé ma chaussure au niveau du talon. Un centimètre de moins lors de mon pas et 10 centimètres de ferraille rouillée se seraient logés dans mon talon et ma cheville. Je garde le clou en souvenirs. Moi qui ne suis pas à jour pour le tétanos, mon ange gardien bosse décidément à plein temps avec moi.

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Le regard fabuleux du crapaud calamite (Epidalea calamita). Cliquer pour agrandir.

Septième jour, départ. Nous profitons de la dernière matinée pour chercher désespérément des serpents. Ça ne sert à rien, la pluie les a confiné dans leurs cachettes, ils ne recommenceront à sortir que dans quelques jours. Pensif, j’admire une dernière fois le paysage et nous sommes repartis pour huit heures de route.

Cette petite aventure aura été pour moi l’occasion de voir des animaux merveilleux pour la première fois, et d’en revoir certains dont on ne se lassera jamais. J’aurai quand même subis trois piqûres de scorpion languedocien et trois morsures de scolopendre méditerranéenne. Je ne suis pas fier des piqûres involontaires. Mes anticorps sont des acharnés de boulot ! Vivement l’année prochaine, cette foi-ci, je reviendrai au mois de mai, et les serpents seront je l’espère, de l’aventure.

 

Guillaume Tessereau

15/09/2020

 

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